It's a jungle out there ♣ Joshua&Ezra

Vrrrrr … vrrrrr …. J'attrape mon portable, les yeux encore fermés et le pose contre mon oreille. « T'aurais pas oublié un truc aujourd'hui jackass ? » La douce voix de ma jumelle de bon matin. « Arrête de gueuler et explique moi. J'ai mal au crâne. » Je ne voyais vraiment pas où elle voulait en venir, comme si aujourd'hui était un jour spécial. Ça pouvait pas être celui de son anniversaire, je m'en serais souvenu, c'était le même jour que le miens, et la terre entière le fêtait sous le pied d'un sapin. « C'est notre rentrée. Tu sais le lycée. » Merde. On n'avait déménagé il y a une bonne semaine et comme on n'avait tous les deux quitté nos job de mannequins, on était forcé de retourner sur les bancs de l'école. Au début, on n'avait tous les deux prit des cours du soirs et par correspondance, histoire de passer un diplôme quand la jeunesse et le succès serait passé. Puis on avait complétement abandonné, surmené par un rythme intenable et totalement imprévisible. Ça nous était arrivé des centaines de fois de nous trouver le mardi matin à Milan et le jeudi soir à Tokyo. Souvent les gens pensaient qu'on avait une vie facile en temps que mannequin, mais non, on portait les plus beaux habits crées, on affichait nos visages et corps parfaits sur tous les magasines de la planète et on nous obligeait à aller aux fêtes les plus branchées. Je sais t'en rêve. Pas moi, franchement. Le mannequinat, c'était pour se faire de la thune, et ça avait marché à ce niveau là. Tout ce qui découlait de la célébrité, les fêtes arrosées de vodka à se rouler dans des montagnes de cocaïne, c'était anecdotique. Le petit plus auquel on ne pouvait pas échapper. Parfois, je me demandais à quoi aurait ressemblé ma vie sans cette histoire de détournement de fond, si mon père ne c'était jamais fait prendre ou n'avait pas tout volé. J'aurais sûrement été gros, ouais, je l'ai toujours pensé. Je me voyais bien comme ces gros lard avachis dans leurs fauteuils à Wall Street, avec une secrétaire bandante qui vient vous apporter le café en mini jupe et col échancré.

« Ezra, tu m'écoutes ? On n'est pas dans la même classe, je part avant toi. » Elle raccroche, le signal qui me pousse à me lever. J'attrape mon débardeur et jette un coup d'oeil à l'appart' dans lequel je me trouve. Cadavres de bières, filles et mecs dans les bras les uns des autres, comme s'il y avait eu une orgie. Fuck. Je suis ici depuis peu de temps et je me retrouve déjà dans les endroits mal famés et puant la déchéance de la ville. Je traverse la salle en prenant soin de n'écraser aucun bras ou aucune main au passage. J'ai toujours eu ce don pour trouver ce genre de soirée qui commencent bien pourtant. C'est pas franchement le cas de ma sœur, d'ailleurs ce matin, c'était elle qui était levée et déjà sur le chemin de l'école. Je ne savais pas encore si j'allais y aller, j'avais plutôt envie de retourner sur mon bout de matelas rapiécé et dormir jusqu'à ce que mes paupières soient moins lourdes et mes jambes plus solides. Au lieu de ça, j'entrais directement sous la douche et laissait couler l'eau sans faire gaffe aux allez et venues des autres fêtards. La vie désaxée. La vie que je détestais mais que je ne voulais absolument pas changer.
Allez c'est bon, une bonne vingtaine de minutes après, j'étais prêt et devant les portes du lycée. Ok, comment on fait déjà ? Il y avait bien deux abrutis devant les grilles mais plutôt mourir que de demander de l'aide. Je jetais ma clope par terre et me dirigeais vers ce qui semblait être l'administration. Une vieille me reçut avec un grand sourire. « Oh ! Monsieur Coleman, vous êtes en retard ! Ce n'est pas grave, suivez moi, je vous emmène voir votre nouvelle classe. Vous savez, ce n'est pas souvent qu'on reçoit des gens comme vous ... ». Sérieux ? Tu veux dire que les élèves de ton lycée ne sortent pas tous des pages de Vogue ? Autant faire profil bas. Je l'écoute me parler de mode alors qu'elle n'y connait rien et entre dans la salle de classe. Présentation bateau, de toute façon, la plupart d'entre eux ont déjà vu ma tête quelque part dans les Hamptons ou dans un autre pays. Je m'assied à côté d'un blond sans vraiment faire attention à où je vais. [Here we are.

J'avais toujours détesté ces ambiances coincées des sales de classes : tout le monde assis sur une chaise pendant des heures, un mal de jambe une fois qu'on été levé, l'interdiction de prononcé un autre mot que la réponse à une question donnée et toujours totalement inutile ...Non, franchement c'était pas mon truc même si très tôt, ma sœur et moi avions été placés dans de très bonnes écoles privées, pour prendre la succession de notre ou même faire mieux que lui. Le système des entreprises, c'était comme celui du roi louis quatorze ou comme les dynasties des rois mérovingiens, il n'y avait rien de démocratique et de libéral dedans, c'était une succession qui revenait aux enfants, un truc héréditaire qui se faisait à coup de têtes coupées pour arriver au top et s'y maintenir. On disait que les hommes d'affaires étaient des requins, c'était encore trop doux. J'avais été formé à ça pendant des années, et même un an après être devenu mannequin, alors c'était pas des cours de terminale dans un lycée public qui allaient me faire peur hein ? Et même si je ne le savais pas encore, j'allais trouvé une distraction dans ce patelin pourri et propre sur lui.

Je soupirais en écoutant les chuchotements de certaines filles, leur visage se fendait en un sourire radieux et imbécile dès que je tournais un peu la tête vers elles. Et dès que je ne les regardais plus, elles partaient dans des petits rires hystériques. N'importe quoi, j'aurais pas figuré parmi les égéries de Chanel, elles ne m'auraient jamais porté la moindre attention. D'ailleurs mon voisin de table, lui, ne semblait pas vraiment m'en porter. Etrange. Grand blond avec une sacrée gueule d'ange, il semblait faire la gueule sur sa table, ou s'ennuyer à mourir. Au choix. Il avait un petit quelque chose dans le visage qui me rappelait quelqu'un, je ne savais pas encore qui. Peut être qu'il ressemblait à un ami croisé en Angleterre ou quelque part par là. En tout cas, il ne me portait pas d'attention, et ça me plaisait en même temps que non. Ouais, à force d'être la cible numéro un des photographes et d'avoir des groupies qui vous mange dans la main, on développe un côté narcissique. Le miens, sur une échelle de cent devait s'élever à quatre vingt voir quatre vingt dix. « Alors blondie, tu dis pas bonjour à ton nouveau meilleur ami ? » J'emis un petit rire, trop fort peut être car le professeur me lança un regard. « Vous, le nouveau, présentez vous s'il vous plait, puisque vous semblez vouloir discuter. » Je me levais, poussant ma chaise avec nonchalance et le regardait avec ce petit sourire moqueur et suffisant qui m'avait valu tant de contrats. « Ezra Coleman, dix neuf ans, mannequin en stand by, et avec un compte en banque assez remplis pour sauver l'Afrique. Si j'en avais eu quelque chose à foutre. » Le professeur ouvrit la bouche, pour répondre quelque chose de sûrement très pédagogique, mais me dit simplement de me rasseoir. Les éléments riches et célèbres, dans les écoles, c'était toujours bon pour l'image et la popularité, ça faisait venir du monde, alors le petit prof devait avoir été briffé pour ne surtout pas faire chier les jumeaux Coleman. Ça devait être la même chose pour les Kings&Queens de l'école. Il y en avait toujours et ils valaient apparemment mieux que la sous couche des autres étudiants.

Je ne me faisait aucun soucis quand à mon intégration dans ce nouveau lycée, voir dans la nouvelle ville. Il n'y avait qu'à voir où j'avais passé la nuit pour se rendre compte que ça n'était pas vraiment difficile pour moi. Un sourire, un verre, mon nom placé au détour de la conversation et c'était dans la poche. A New York, les gens me mangeaient dans la main ; sous prétexte que j'étais célèbre, ils venaient ramper à mes pieds, histoire d'avoir eux aussi leur photo dans un magasine, au cas où je décide de les pistonner. Je vois pas pourquoi j'enverrais volontairement quelqu'un me faire de l'ombre, par contre, envoyer quelqu'un au bar pour aller me chercher un verre histoire de ne pas avoir à bouger mon royal cul, ça ouais, je pouvais. Hier soir, ça c'était passé assez vite. J'avais quitté l'appartement que je partageais avec Juno pour faire une course. Pas des boîtes de haricots verts mais plutôt un ou deux grammes de cocaïne, histoire que ça nous tienne quelques jours. J'avais vite trouvé un squatte, où les dealers te vendaient de la merde hors de prix. J'avais fréquenté des tas de boîtes louches à New York car qui dit fric, dit blanche. Je savais reconnaître de la bonne et celle des dealers de Hamptons, c'était de la coupée et recoupée. J'avais enfin fini par rencontrer quelqu'un qui m'avait incrusté à sa fête, là où était censé se trouver la meilleure des cames possible. J'y avais passé la nuit. Tout ça pour dire que je ne comptais pas forcément me faire de mon voisin de table un ami. S'il était décidé à se la jouer marginal ou ange insaisissable, je le laisserai dans son trip ; à entendre les filles glousser sur le rang derrière, j'avais pas vraiment de soucis pour trouver le remplaçant. Josh n'aimait pas les gens narcissique et hautain ? Il me détesterait. Parce que oui, j'étais le centre du monde, le genre de personne à avoir un ego sur-dimensionné mais entretenu par son entourage.

Je arquais un sourcil en guise d'interrogation quand mon voisin de table se présenta, embarquant directement sur le fait que lui et moi, ça allait pas le faire. Ok, un problème avec les pages mode peut être ? Jetant un coup d'oeil sur ce qui traînait sur sa table, je tombais sur son cahier de texte. C'est bon, j'avais compris ce qui le bloquais avec moi et ce qui allait me faire sombrer dans une haine profonde pour ce blondinet. Clarkson, un nom qui me fait tressaillir de colère, le nom de cet enfoiré d'avocat qui avait détruit notre vie, notre petit cadre si agréable et luxueux. Je savais que Patrick C. habitait dans les Hamptons ; que son fils était inscrit dans la même classe que moi, je ne l'avais pas prémédité. « Et bien Josh', tu as vu juste. Toi et moi, ça va vraiment pas le faire. ». Je lui lançais un coup d'oeil dans lequel on pouvait lire une colère froide que je ne tentais même pas de dissimuler. Je glissais sans bruit, juste pour lui « je vais faire de ta vie un enfer. »